Je t’aime, je te trompe. Esther Perel
- Anne Fierry Vérité
- 3 oct. 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 mars
Ce que m’a apporté ce livre, c’est de comprendre que le voir-ailleurs n’a pas qu’une seule cause et une seule fonction ou finalité. Spontanément, ce mot d’infidélité rime, dans nos sociétés judéo-chrétiennes, avec faute, culpabilité, trahison. Mais si on nettoie nos connaissances préalables morales acquises par l’éducation, on peut accueillir de nouveaux sens au mot tromperie.
Ainsi, l’auteure se base sur de nombreux couples rencontrés dans son cabinet. Il y a bien sûr la personne qui se sent abandonnée sexuellement ou sentimentalement, et qui va chercher ailleurs ce qui lui manque. Mais il existe aussi ceux qui sont parfaitement comblés par leur union et qui ont quand même besoin d’aller voir si l’herbe est aussi verte chez la voisine ou le voisin.
Ce deuxième cas de figure est assez déroutant. Cette attitude se rapproche d’une forte envie de vivre, du besoin de passion, d’avoir tous les sens en éveil comme dans les premiers mois de la relation « officielle ». Car indubitablement, la passion du début s’émousse dans tous les couples même chez ceux qui veillent au grain en habitant chacun chez soi. Certains qui occupent des métiers qui les obligent à voyager, peuvent cultiver cet or, ce Graal, par l’absence qui crée le désir. Mais chez les autres, la routine fatigue et use cette merveilleuse pulsion de vie quasi animale sauvage.
Doit-on en ce cas renoncer au couple et multiplier les relations d’un soir pour éviter l’inévitable essoufflement si douloureux ( tant on avait d’espoir d’absolu, de pour toujours..) comme le font tous les désespérés de Tinder ou Badoo? Renoncer en demeurant célibataire pour garder intact nos rêves d’enfant, de princes et de château imprenable?
Si tromperie il y a, ne rien dire préconise l’auteure, si cela ne risque de créer que des dégâts : famille qui vole en éclat, terminé les dimanches plage/rires/gaufres main dans la main avec les enfants, conjoint blessé inapte pour dépasser cette épreuve. Continuer ou pas à avoir cette relation extraconjugale, si elle apporte du plus dans la relation conjugale. Mais ne rien dire. Protéger la famille et le couple.
Par contre, si l’ on pense que l’autre est capable d’entendre, dans la mesure où le couple bat de l’aile depuis longtemps, et que la vérité peut agir comme électrochoc et permettre la réflexion, l’auto analyse, la communication, il est peut-être temps de révéler le secret. Non pas en détails cruels pour celui qui est trompé. Mais en parlant de soi : je suis perdu, trop de pression au travail, pas assez de sexe à la maison, manque de confiance en moi, nous ne parlons plus, nous ne faisons que nous occuper des enfants, je ne me sens plus femme…
Le thérapeute de couple va jouer le rôle de tiers afin de permettre ce dialogue dans un climat le plus apaisé possible. Il écoute tour à tour trompé et trompeur, puis les deux. La blessure narcissique du trompé peut entraîner une rupture définitive mais la crise peut aussi être dépassée pour prendre de nouvelles mesures : on continue mais autrement. Accepter que l’autre ne nous appartient pas, ne peut pas nous garantir la fidélité pour toujours, recommencera peut-être même s’il nous aime profondément.
Car il est primordial pour celui qui est trompé de sentir qu’il est aimé, choyé, que la relation extra conjugale ne lui enlève aucun temps de présence privilégiée. Si ce n’est pas le cas, c’est que le couple ne vaut plus la peine d’exister.
Esther Perel nous amène à une dérangeante réflexion sur nos mythes fondateurs amoureux. Le mythe de l’amour toujours fidèle et avec beaucoup d’enfants ? Celui du chacun chez soi sans enfants pour ne partager que les bons moments ? Le couple libre qui tolère les écarts du moment qu’on ne se dit rien pour ne pas réveiller la jalousie destructrice et que l’on s’aime profondément ? Le polyamour qui met en équilibre mari femme et amants, tous en parfaite entente et lumière car personne n’appartient à personne vu que nous ne sommes pas des objets?
Un livre passionnant et dérangeant à mettre entre toutes les mains de vieux ou jeunes couples, célibataires ou plus.

Comments